Horizon mystique : le fait du serviteur, et le Fait de Dieu

Le monde dans lequel nous évoluons est difficile à vivre pour le croyant, au point qu’il lui est devenu parfois bien malaisé de donner du sens à son quotidien, dont la tonalité la plus large est  indiquée dans la prescription suivante : « Que soit établie entre vous une Communauté dont les membres appellent au bien, ordonnent ce qui est convenable et interdisent ce qui est blâmable. Ceux-là sont les bienheureux ! » (s3v104). La vie du prophète Yûnus (Jonas), paix soit sur lui, nous renseigne abondamment quant aux modalités d’application de cette prescription.

Le Livre Sacré explique que « Yûnus était certes du nombre des Messagers » (s37v139). Il avait pour mission de transmettre le Message à son peuple, et de lui délivrer l’enseignement de la Sagesse pour bâtir la Civilisation de la Foi. Pour ce faire, il était soutenu par le Divin, dans la relation privilégiée qu’il entretenait avec Lui, loué soit-Il, et par le support de la Révélation. Il prêcha donc aux siens, alors plongés dans toutes sortes d’idolâtries, la doctrine de l’Unicité, et les mit en garde contre le châtiment divin.

Mais les paroles de notre maître Yûnus, paix soit sur lui, restèrent vaines. Excédé, il finit par abandonner, « et Dhû n-Nûn (Yûnus) quand il partit, irrité, pensa que Nous N'allions pas l'éprouver […]. » (s21v87). Il prit la mer à bord d’une embarcation surchargée, qui fut très vite en grosse difficulté à cause des conditions de navigation hostiles, rendues plus périlleuses encore par la surpopulation à l’intérieur du bateau. Il fut alors décidé de jeter un homme à l’eau pour rendre le navire plus maîtrisable. Ainsi, « il prit part au tirage au sort qui le désigna pour être jeté [à la mer], Le poisson l'avala alors qu'il était blâmable. S'il n'avait pas été parmi ceux qui glorifient Dieu, il serait demeuré dans son ventre jusqu'au jour où l'on sera ressuscité. » (s37v141-144).

Pendant ce temps-là, son peuple était revenu à la Vérité. Dieu, qu’Il soit glorifié, précise : « Si seulement il y avait, à part le peuple de Yûnus (Jonas), une cité qui ait cru et à qui sa croyance eut ensuite profité! Lorsqu'ils eurent cru, Nous leur enlevâmes le châtiment d'ignominie dans la vie présente et leur donnâmes jouissance pour un certain temps. » (s10v98). Ils  ont en effet reconnu la Vérité Divine dans la manifestation des  signes de Dieu prophétisés par Yûnus, paix soit sur lui, et le Clément les enveloppa de Sa Miséricorde, qu’Il soit loué et glorifié.

Dans les entrailles du poisson,  notre maître Yûnus prit le temps de se recueillir, paix soit sur lui, et de revenir sur les événements qui l’ont mené dans cette obscurité. « Puis il fit, dans les ténèbres, l'appel que voici : "Pas de divinité à part Toi! Pureté à Toi! J'ai été vraiment du nombre des injustes". Nous l'exauçâmes et le sauvâmes de son angoisse. Et c'est ainsi que Nous sauvons les croyants. » (s21v87-88). « Nous le jetâmes sur la terre nue, indisposé qu'il était. Et Nous fîmes pousser au-dessus de lui un plant de courge, et l'envoyâmes ensuite (comme prophète) vers cent mille hommes ou plus. Ils crurent, et Nous leur donnâmes jouissance de la vie pour un temps. » (s37v145-148).

La clé pour appréhender ce passage se situe dans les versets suivants, qui font suite à un autre que nous avons cité plus haut : « Si ton Seigneur l'avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants ? Il n'appartient nullement à une âme de croire si ce n'est avec la permission de Dieu. Et Il voue au châtiment ceux qui ne raisonnent pas. » (s10v99-100).

Les prophètes, paix soient sur eux, sont préservés du pêché et de l’erreur. Cela fait partie des attributs par lesquels ils sont aptes à accomplir leur mission. Quand les Textes reprochent quelque chose à un prophète, il faut en réalité comprendre que le Très-Haut révèle des aspects subtils de Son Unicité, exalté soit-Il, lorsqu’Il accompagne le fait de Son serviteur  par Son Secret Divin.

Ainsi, le véritable reproche adressé à notre maître Yûnus, paix soit sur lui, n’est pas en soit d’être parti, exaspéré par le comportement des siens, et sans en avoir reçu l’ordre ou la permission, mais d’avoir préjugé de l’accomplissement de son fait en préjugeant de celui de Dieu, loué soit-Il, dont Lui seul en connaît le Secret, de Bienveillance et de Miséricorde. A travers cet enseignement, le Seigneur nous invite à découvrir le secret de Son Unicité en toute chose et la transcendance de Sa Miséricorde, loué soit-Il. En effet, le fidèle est mis dans la balance de la Vérité par ce que Dieu attend de Lui, loué soit-Il, mais pas dans le décret de Dieu sur son fait.

Dans le ventre du poisson, une digestion s’est opérée sur le cœur lumineux de notre maître Yûnus, paix soit sur lui. Plongé dans les profondeurs de la mer, il put descendre dans les profondeurs de son âme. Certes, la frustration n’avait pas affecté son état intérieur, mais la modalité de son regard. Dans l’obscurité totale, entouré par les ténèbres et complètement impuissant face au décret de Dieu sur son sort, il ne vit que la Vérité Divine, dans le néant et dans toute chose.

Nos actes sont créés par Dieu suite à nos intentions, exalté soit-Il, qui nous en octroie ensuite la rétribution. Ce qui en découle, cependant, ne résulte pas de notre fait, mais du Fait de Dieu, loué soit-Il, à travers lequel Il peut préserver une âme, la combler de miséricorde, ou encore la laisser cheminer dans ce qu’elle aura choisi. L’agriculteur travaille ainsi sa terre et sème des graines, mais la germination de celles-ci dépend du Fait de Dieu, dans le Secret de Son Unicité, exalté soit-Il. Et Dieu ne veut rien d’autre que la réussite de Son serviteur, dans ce bas-monde et dans l’autre. Le fidèle doit donc à être attentif à ce sur quoi il est attendu, et laisser le reste à la Bienveillance de Dieu.

Aussi, ce qui vient d’être dit peut-être résumé en ces termes :

Fais ce que tu as à faire, ni plus ni moins, et laisse la Vérité de Dieu accomplir le reste, sans préjuger de Son Fait, loué soit-Il. Si tu mets le Fait de Dieu dans la sentence de ton propre fait, ce dernier s’achèvera dans la modalité de ton regard. Et si tu mets ton propre fait dans la sentence du fait de Dieu, alors réfugie-toi auprès de Dieu contre toi-même, car la cause comme la conséquence sont les modalités de Sa Miséricorde, et celles de la Foi. Qu’Il soit loué et glorifié !

 

6 Commentaire(s)

  • Hajar
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    Hajar

    Jeudi 29 juin 2017 à 11h14

    Salam alaykom merci pour cet article, pourriez-vous expliquer le dernier paragraphe qui n'est pas très clair ?
    Bien à vous

    • Julien Barbe
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      Julien Barbe

      Jeudi 29 juin 2017 à 12h46

      Wa 3laykoum salam wrwb, le dernier paragraphe est vraiment le résumé de l'article en entier, si certaines formulations vous embêtent ne vous cassez pas trop la tête dessus et revenez plus simplement au reste de l'article.
      Merci pour votre soutien !

  • mahi
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    mahi

    Mercredi 28 juin 2017 à 18h07

    salem 3laykoum ce site est très enrichissant il montre le vrai visage de la religion pas celle des wahhabites coupeurs de têtes. merci infiniment....

  • fawzia
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    fawzia

    Mercredi 18 mars 2015 à 12h05

    Salamu alaïkum.


    Quel sens donner à la citation que vous faites de la Sourate 3, verset 104 du Coran "Que soit établie entre vous une Communauté dont les membres appellent au bien, ordonnent ce qui est convenable et interdisent ce qui est blâmable, ceux-là sont les bienheureux ..." :


    . ordonner, est-ce obliger, contraindre ou simplement énoncer une obligation d'ordre divin et ensuite passer son chemin ?.


    . interdire implique-t-il d'employer la force, infliger une punition en cas de manquement ou là aussi se contenter d'énoncer une obligation divine ?.

    • Rémy Savin
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      Rémy Savin

      Dimanche 22 mars 2015 à 13h54

      Ceci est à comprendre dans le sens de la progression, à savoir, changer ce qui est en soi de manière à pratiquer ce qui est bien et s’abstenir de ce qui est mauvais pour ainsi accéder à la Sagesse. Et c’est le minimum requis pour pouvoir ensuite transmettre la Sagesse aux autres dans un cadre collectif.


       


      Ordonner est ainsi enseigner la Vérité par la sagesse et le bon sens, en faisant preuve de pédagogie et de patience pour parler aux gens avec un langage qu’ils comprennent. Cependant, point de contrainte en religion, donc chacun est libre de prendre ou non ce qui est à sa disposition mais est tenu de respecter, dans l’espace public, la sensibilité de chacun. Chez nous en Occident l’espace public est utilisé par le Nouvel Ordre Mondial, qui veut en faire un espace d’uniformisation, et donc, de propagande… d’où cet acharnement, par exemple, contre le foulard.


       


      Interdire implique de mettre à disposition de tous les enseignements qui permettent de réformer son cœur et ses actes dans un cheminement serein et équilibré, mais aussi de mettre au point les sciences par lesquelles il est possible d’élever la Civilisation de la Foi. En revanche, dans un pays qui applique la Sagesse, effectivement, des forces de l’ordre peuvent être dépêchées si la sensibilité et le bon droit de chacun n’est pas respecté. Chacun est libre de faire ses propres choix mais certains actes ont leur place dans la vie privée, à l’abri des regards de ceux qui souhaitent s’en préserver. Là encore, en Occident, c’est la logique inverse (et satanique) : l’espace public est un espace de liberté dans un tout va absolu, tandis qu’on impose la neutralité aux familles et à l’espace privé en mettant tout en œuvre pour séparer les enfants de leur tradition familiale.


       


      Salam.


       

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